dimanche, juillet 09, 2006

Miracle à Alais

Au pied d’un arbre centenaire, Célestin, Maire émérite de la belle ville d’Alais, méditait sur l’avenir du monde en ronflant bruyamment.
Quand soudain, semblant crever le ciel, et venant de nulle part, surgit un aigle noir. Majestueux, il passa au dessus de Célestin. Mais un carreau d’arbalète le faucha en plein vol et il tomba à quelques dizaines de mètres du Maire.
Ainsi mourut le dernier aigle noir.
Maintenant qu’il a son compte, laissons tomber les turpitudes aviaires et passons au cœur du sujet.

Une voix gutturale retentit.

Célestin ! Célestin ! Célestin !

Arrête de regarder dans tous les sens, tu ne me trouveras pas. Et mouche ton nez. Je viens te confier un message et faire de toi l’Annonciateur de l’Alliance que je veux établir avec les Alaisiens.
Tu te demandes sûrement pourquoi je t’ai choisis toi. D’abord parce que tu es le premier qui m’est tombé sous la main. Ensuite parce que j’adore tes rouflaquettes, je trouve ça très viril.
Célestin, arrête de glousser, je ne suis pas venu uniquement pour te complimenter sur ta pilosité faciale…

La voix s’arrête un instant et soupire longuement.

Célestin, tu n’es pas sans savoir que les Alaisiens ne sont pas très portés sur la foi et ça, ça me vexe un peu… Alors, je me suis dit qu’un petit coup de pouce en passant, ça aiderait à convaincre. Je te donne pour mission de retrouver et d’exposer au grand jour une relique qui repose ici en terre alaisienne. Il y a maintenant plusieurs siècles, Saint Théodule est venu dans le coin faire un pique-nique. Poursuivi par des brigands, il s’est réfugié à proximité du village où il à peine eu le temps de cacher ses maigres biens avant de se faire égorger comme un goret. Mais avant il a été longtemps torturé, un truc à base de mutilations humiliantes… J’avais forcé un peu le trait mais quand on veut un beau martyr, faut pas faire dans la dentelle, hein…

Bref, toujours est-il que la totalité des biens qu’il a enfoui ici se résume à un cornichon, pas bien gros encore. Ledit cucurbitacé a cela de sacré qu’il a été imprégné de la foi galopante du Saint en pleine panique. Du coup, c’est une relique… Pose pas de questions, c’est comme ça et pas autrement, j’ai fait avec ce que j’ai trouvé, hein !

Du coup, tu retrouves le cornichon. Il est enterré pas loin de la sombre bâtisse là-bas, fais pas celui qui connaît pas… Pour t’aider à trouver, c’est pas dur, un halo de lumière se formera sur tes rouflaquettes et gagnera en intensité quand tu t’en approcheras. Si tu vois pas bien, ça siffle un peu aussi…

Voila, le Cornichon de Saint Théodule devra être présenté aux Alaisiens et devenir le symbole de la révolution Aristotélicienne à Alais. Je te rajoute deux trois bricoles comme un miracle de temps en temps pour affermir la foi de ces gros benêts de languedociens.

Je te confie la mission de faire triompher l’Aristotélisme ! Soyons clair : à la base, j’ai rien contre les cathares, phookaïstes et autres. Ils ont un peu la croyance qu’ils veulent, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Mais ce qui m’exaspère, c’est de les entendre toujours pleurnicher comme des demoiselles. « Gnagnagna, respectez ma croyance, gnagnagna le Languedoc est terre de tolérance, gnagnagna ne me brûlez pas ». J’en ai les oreilles qui bourdonnent ! Entre les pères-la-pudeur qui embaument l’encens et les pleureuses « hérétiques », je commence à en avoir marre ! Quand je traînais mes guêtres en Grèce, on avait des p’tites déesses à poil, des hécatombes de bœufs… Et puis les raids du samedi soir sur les humaines pas farouches… En ce temps là, on savait s’amuser.

Un long soupir nostalgique agite les feuilles.


Tu m’as compris, je veux qu’Alais se débarrasse de tous cas casse-pieds pour que j’aie un endroit tranquille pour passer mes vacances. Débrouille toi comme tu veux mais Alais devra rester vierge de tout courrant religieux déviant et cafardogène.
Mais attention ! T’as intérêt à te remuer ! Si j’en vois un qui s’approche de mon Cornichon Sacré, c’est pluie de souffre et de feu pour tout le monde, Capici ?

Célestin, tu piques du nez, je te vois ! Si je te gonfle, dis-le tout de suite !

Bon… Puisque tu es le Messager, je vais te filer une ou deux commissions pour les Alaisiens, je sens que le dogme Aristotélicien part un peu en cacahouète dans le coin…
Je sens que vous êtes pas fufutte et vous partez de loin mais je vous demande de respecter UNE de mes valeurs, UNE SEULE, et je vous foutrai la paix : l’abnégation à la cause de la cité.

Devant l’incompréhension évidente qui se lit sur le grand front bête de Célestin, la voix gutturale s’énerve un peu.

Mais Nom de Moi, fais un effort ! Je vais te le refaire avec des mots simples : je veux une vie sociale dynamique, je veux que vous vous entraidiez, je veux que vous communiquiez dans une bonne ambiance, je veux que vous vous souteniez les uns les autres et que vous restiez unis pour la progression de tous.

Voila, c’est le sens de notre Alliance ! Va porter mon Message et n’en oublie pas en route. Ah, j’oubliais, occupe-toi un peu plus de ta femme, crévindiou ! C’est quoi ces manières ?

Bon, je te laisse mais fais gaffe, j’te surveille.

Un sifflement strident retentit et la voix se tut après avoir beaucoup parlé.