mardi, septembre 26, 2006

L'hermaphrodite

Dans le cortège il y avait un individu qui, au contraire de ses congénères, ne semblait pas monstrueux au sens purement ostentatoire de ce que ce terme signifie. Il se dandinait, marchait à la manière des femmes sans qu’on puisse véritablement affirmer que c’en était une. Et pourtant ! Une poitrine bombée, des hanches girondes, une allure altière de bourgeoise lassée... Qu’eut-il fallut de plus ?

Mais cette personne, tout de même, savait intriguer les badauds qui la voyaient parader devant eux. Pas parce qu’elle faisait partie des affreux qui l’accompagnaient (et qui étaient, eux, l’objet des regards moqueurs et de la curiosité malpropre dont les hommes sont capables) : non, ce qui intriguait chez elle, c’était la masse singulièrement musculeuse de ses bras et de ses jambes ; le sensible duvet qui parsemait son visage, mais aussi et surtout le moulage de ses bas qui, disposés de façon à les valoriser comme il seillait, révélaient des attributs que nul chez une femme n’aurait attendu ou même, dans l’esprit engoncé des villageois, même imaginé...

Dans sa marche, elle aimait s’approcher des gens pour caresser les visages des plus beaux mâles de l’assistance, par pure provocation... Et aux plus emportés, qui la traitaient de fille du démon ou même tout simplement de succube, elle répondait avec obscénité en portant sa main sur ses bijoux pour bien leur signifier qu’elle avait un mepris reciproque pour eux.

C’était l’hermaphrodite du groupe, et son spectacle était défendu aux pourceaux.

Heureux d'être arrivé à Argentan, fin de l'étape du jour...

Il entreprit d’aider les autres à établir le campement, le coeur plein de bonne volonté et la tête pleine d’engagements insondables : sa double-nature le confinait à une folie singulière : un élan pour l’Eros et un goût prononcé pour le Pathos.

C’était, oui, l’hermaphrodite.
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Fils du Trismegyste ; Fille aphrodisiaque, Dieu que ma chair est triste ! Moi l'être dionysiaque...