mardi, septembre 26, 2006

Hommage de Monsieur le Chien à Garnulf

Encore assis aux pieds de sa maîtresse adorée, mâchant la main du dernier pervers qui avait attenté à la croupe angelesque, le molosse préféré à sa mémère avait senti une mauvaise nouvelle, et s'était relevé sur ses quatre pattes, aussi vif qu'une mouche évite la queue de la vache.

Le géant entra dans le bureau, et fit s'effondrer de tristesse sa patronne chérie. Monsieur le Chien se devait d'agir... Le brouillard bipède puant ne se trouvant pas là pour soutenir le moral de la douce taulière, c'était au plus fidèle ami de la femme de tenir ce rôle.

Il fila donc à la trace cette odeur qu'il avait senti venir, un parfum de femme... marque caractéristique de la mort des Grands Bipèdes. Peut-être Angie y aurait-elle droit elle aussi... Qui sait, avec le standing qui caractérisait Mr le Chien, peut-être la Faucheuse ferait-elle une exception pour un canidé d'exception.

Arrivé dans la forêt, il flaira la piste du parfum, et arriva au pied du chêne mortuaire. La fragrance était la plus puissante en cet endroit, ce qui signifiait que la Faucheuse avait fait son travail en ce lieu. Pour retrouver l'infecte bourrel et son corbak décharné, il suffirait maintenant de suivre le chemin tracé par la viande morte de maladie, marinée depuis des décénies aux pires alcools du royaume.

Sa route le mena en la mairie, où un attroupement s'était formé autour d'une masse sans vie. Monsieur le Chien grogna pour qu'on le laisse passer. Les regards inquiets indiquaient qu'on connaissait sa réputation... et celle qui le protégeait. Ceux qui tremblaient sur leurs guiboles devaient être ceux qui l'avaient déjà vu à l'oeuvre... Sa présence n'augurait rien de bon.

Il s'avança vers le corps, et le renifla de pied en cap. Pas de doute, toute trace de vie avait quitté ce corps. Il en était tout autre pour l'alcool. Il tourna autour, reniflant, cherchant, furetant jusque dans les entrejambes les plus improbables, et finit par trouver ce qu'il cherchait. Au niveau d'une jambe, il planta violemment ses crocs et tira d'un coup sec. Monsieur le Chien ne comptait pas manger cette viande dont la teneur en alcool dépassait celle d'un tonneau de prune. Cependant, il était convaincu que Madame serait heureuse de garder un souvenir du puant bourrel.

Il prit ensuite tranquillement le chemin de la porte, et s'arrêta brusquement. Un dernier hommage serait le bienvenu. Non que Monsieur le Chien appréciait les bipèdes -et celui-là encore moins que les autres- mais lorsque ce doux parfum entourait le décès, même un cabot savait qu'il méritait un hommage. Il se dirigea donc vers le cadavre, tourna autour, et s'arrêta là où il avait arrachée la prothèse de bois.

C'est alors que l'assistance mystifiée vit le molosse lever la papatte, avant de s'enfuir en courant jusqu'au Lys, où il posa la jambe de bois aux pieds de sa maîtresse. Dressé sur ses quatre pattes, bouche ouverte, langue pendante et déversant sa salive sur le tapis, remuant vigoureusement la queue, Monsieur le Chien attendait une récompense de sa belle maîtresse.

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Monsieur le Chien tient à son standing.